Parfois, alors que vous regardez la providence de Dieu dessiner un tableau dans votre vie, le crayon se retourne soudainement, et ce que vous pensiez être une fleur se transforme en une épine. La prière non exaucée semblait enfin entendue, ce qui était tant espéré semblait enfin réalisé, mais non. Vous tendez la main vers la marguerite et vous vous faites piquer, à la place, par un chardon.
Le mariage de C.S. Lewis avec Joy Davidman est si étonnant pour moi. Le couple s'est marié tard dans la vie, alors que Joy semblait être en train de mourir d'un cancer. Mais après une prière de guérison, Joy s'est rétablie de manière inattendue et peut-être miraculeuse. L'amour qu'ils pensaient avoir perdu leur est revenu, un cadeau précieux semblait-il, de la main d'un Dieu qui guérit.
Mais plus tard, le cancer est revenu avec fureur, mettant fin à leur bref mariage. Dans la dureté de son chagrin, Lewis écrit : « Une noble faim, longtemps insatisfaite, rencontra enfin sa nourriture appropriée, et presque instantanément, la nourriture fut arrachée ». Des expériences de ce genre peuvent ébranler l'âme. Plus d'un a perdu la foi à cause d'elles. Pour beaucoup d'autres, de tels moments deviennent une porte d'entrée vers un monde plus sombre, où Dieu semble moins bon que nous ne le pensions. Peut-être, dans nos moments les plus désespérés, pouvons-nous même le penser cruel.
Beaucoup de ceux qui entrent dans ce monde ne retrouvent jamais leur chemin. Ils marchent dans l'ombre croissante de la désillusion, loin des grands champs et du soleil éclatant de leur foi d'enfant. Certains, cependant, retrouvent leur chemin. Nous rencontrons une telle âme dans le Psaume 73.
Des jours sombres
Une grande partie du psaume 73 se déroule dans le monde des ténèbres. Asaph, le psalmiste, se trouve désillusionné par la vie spirituelle. Il voit les gens qui haïssent Dieu se pavaner sur la terre : riches, vivant dans le confort, et avec de l'embonpoint. Peu importe qu'ils se pavanent à Jérusalem comme des dieux et défient les cieux mêmes (Psaume 73.3-11) : "Toujours heureux, ils accroissent leurs richesses. " (Psaume 73.12).
Pendant ce temps, Asaph le pieux souffre sans être vu et sans être récompensé. Pour son obéissance, il est affligé ; pour son dévouement, il est réprimandé (Psaume 73.14). Finalement, il regarde ses prières, ses chants, ses années de fidélité, et d'un geste de la main, il dit : « C’est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, et que j’ai lavé mes mains dans l’innocence… » (Psaume 73.13). Ses espoirs sont morts, il entre dans le monde des ténèbres.
Lorsque nos propres espoirs sont - encore - retardés, nous pouvons facilement justifier notre amertume et notre apathie spirituelle. Sans grand effort, nous pouvons nous présenter comme des victimes innocentes sous la lourde main de la providence de Dieu, notre frustration envers le ciel étant compréhensible. Asaph cependant, en se regardant, voit quelque chose de différent : « J’étais à ton égard comme les bêtes. » (Psaume 73.22).
Pour ceux qui sont revenus du monde des ténèbres, les paroles d'Asaph ne sembleront pas trop brutales. Pour ma part, je me souviens encore des déchirements et grognements de mon âme. Notre chagrin face à des providences douloureuses peut rapidement devenir déchirant, et nos lamentations se transforment en un grognement, qu'il soit silencieux ou audible. L'amertume peut rendre l'âme bestiale, et elle le restera jusqu'à ce que Dieu nous délivre.
Dénouement
À la fin du psaume, Asaph est retourné dans le monde lumineux, où il chante à nouveau comme un enfant plein d'espoir :
« Quel autre ai-je au ciel que toi ! Et sur la terre je ne prends plaisir qu’en toi. Ma chair et mon cœur peuvent se consumer : Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et mon partage. » (Psaume 73.25-26)
Asaph réapparaît dans un monde où Dieu est à nouveau bon, où le ciel et la terre n'ont rien de plus grand à donner que lui. Que l'affliction le tue, que les réprimandes le frappent, ou que tout espoir ne semble jamais se réaliser, Dieu sera la force de son cœur et sa portion abondante. La bête est devenue un homme.
Le dénouement s'est produit, en partie, lorsqu'Asaph a « pénétra dans les sanctuaires de Dieu » et a « pris garde au sort final » de « ceux qui s’éloignent de toi » (Psaume 73.17,27). Mais il a également discerné quelque chose de meilleur : « Cependant, je suis toujours avec toi. » (Psaume 73.23). Voici la réponse à son agitation animale, une réponse si simple que son pouvoir d'apprivoisement peut nous échapper. Considérons donc comment Asaph déploie la réponse en trois images, et comment elles peuvent nous rencontrer dans notre propre bestialité.
Tu me tiens la main droite.
Le véritable danger d'un monde devenu sombre n'est pas la douleur que nous y ressentons, mais le sentiment de l'absence de Dieu. La première moitié du psaume 73 présente un monde sans Dieu – du moins sans un Dieu proche et bon – Mais au verset 15, les ruminations plus ou moins impies d'Asaph font place à « Toi », le Dieu qui « m’as saisi la main droite » (Psaume 73.23). En franchissant à nouveau le seuil de la désillusion, il est entré dans la maison de son Père.
Pouvez-vous vous souvenir du sentiment de désolation lorsque, enfant, vous avez perdu de vue votre père dans la foule ? Et pouvez-vous vous rappeler le profond soulagement - presque à en pleurer - lorsque sa main familière a trouvé la vôtre ? Quelque chose de semblable se produit lorsque, dans le calme de votre chambre, de votre voiture ou de votre jardin, vos pensées tourbillonnantes se calment, votre âme aigrie respire et vous trouvez la grâce de dire lentement à Dieu : « Pourtant, je suis continuellement avec toi, tu tiens ma main droite. »
Rien n'a changé dans votre situation ; vos problèmes peuvent encore vous faire souffrir et vous rendre perplexe. Mais d'une manière ou d'une autre, vos pieds qui trébuchent retrouvent leur équilibre. Vos afflictions s'inscrivent dans une perspective plus large. Votre amertume se détache comme autant d'écailles. Et sous la main de Dieu, votre cœur s’adoucit.
« Tu me conduiras par ton conseil. »
Nous ne sommes pas laissés seuls dans ce monde, aussi perplexes que nous puissions nous sentir. Nous ne sommes pas non plus laissés sans direction. Nous avons non seulement un Dieu, mais un guide ; non seulement une présence, mais un chemin. Il nous prend la main pour nous assurer de sa proximité, et aussi pour nous ramener chez nous à travers ce désert. « Tu me conduiras par ton conseil » (Psaume 73.24).
Le « conseil » de Dieu, ses Saintes Écritures, ne nous disent pas tout ce que nous voudrions savoir, et de loin. Nous ne savons pas pourquoi une guérison apparemment miraculeuse se dissout dans la mort. Nous ne savons pas pourquoi une relation sur le point de se rétablir s'effondre. Nous ne savons pas pourquoi le cœur d'un être cher, semblant si proche de la repentance, se durcit soudainement. Mais le retour à la maison ne dépend pas de la connaissance des mystères que Dieu a cachés, mais de la réception des conseils qu'il a révélés.
Et il ne nous guide pas comme quelqu'un qui n'a jamais parcouru le chemin lui-même. Gethsémané a pressé et rendu perplexe notre Seigneur Jésus au point de suer du sang et de prier pour une sortie. Personne n'a été confronté à une providence plus amère ; personne n'a eu plus de raisons de s'aigrir et d'abandonner le conseil de Dieu. Pourtant, la vie de personne d’autre que Jésus n'a montré plus clairement que suivre le conseil de Dieu ne nous fera jamais honte : car le sombre tombeau est désormais vide.
Nous sommes des enfants ici, et le « pourquoi » de la volonté de notre Père nous échappe souvent. Mais pas son conseil. Alors que les animaux suivent leurs propres instincts, les enfants de Dieu disent : « Je suivrai ton conseil aussi longtemps que la nuit durera, et même si l'aube ne se lèvera jamais dans cette vie. »
"Puis tu me recevras dans la gloire."
Le jour viendra, où la main qui tient deviendra pour nous un visage qui regarde, et le chemin sinueux un foyer stable. Il y aura un après pour les questions sans réponse de cette vie. Et dans cet après, « tu me recevras dans la gloire » (Psaume 73.24).
Connaître l'après a tout changé pour Asaph. Il n'enviait plus les méchants prospères quand il « discernait leur fin » (Psaume 73.17), et il ne s'apitoyait plus sur lui-même quand il discernait la sienne. L'affliction peut s'attarder pour la nuit, mais la gloire vient au matin. Il en va de même pour nous, si nous savons que nous nous dirigeons vers le monde de lumière, où plus aucune question ne nous ronge et où plus aucune larme ne coule sur nos joues (Apocalypse 21.4), alors même la plus tranchante de nos souffrances est émoussée.
Dans le présent, nous avons souvent besoin de dire avec Paul : « Nous sommes... pressés de toute part » (2 Corinthiens 4.8). Mais plus tard, la dissonance spirituelle de cet âge se résoudra en une harmonie au-delà de toute imagination, lorsque la main qui nous a tenus et conduits toute notre vie nous recevra à la porte de sa maison, au-delà de tout doute et de tout danger.
La fin des routes sombres
À un moment donné, Lewis se demande s'il a traité Dieu comme son but ou comme sa route. A-t-il marché le long de chaque bon cadeau comme un chemin menant à Dieu, ou a-t-il essayé de marcher le long de Dieu comme un chemin menant à un autre endroit ? Lewis poursuit en disant : « Il ne peut pas être utilisé comme une route. Si vous l'approchez non pas comme le but mais comme une route, non pas comme la fin mais comme un moyen, vous ne l'approchez pas vraiment du tout. »
Souvent, notre propre adoucissement se produit lorsque, comme Asaph, nous embrassons fraîchement Dieu comme but, et non comme route, ou peut-être mieux, comme but et route à la fois. Notre grand besoin n'est pas de démêler les nœuds apparents de la providence de Dieu, comme si de simples réponses pouvaient dompter la bête qui est en nous. Ce dont nous avons besoin, maintenant et pour toujours, c'est d'une main sur la crinière, d'une présence pour nous calmer. Car Dieu lui-même est à la fois le chemin et la fin, la voie et la maison, la présence ici et la meilleure part pour toujours.
Article traduit avec autorisation, merci Ianja !