Reste étrange !

Tu as tout comme moi sûrement déjà dû le voir. Un ami ou un membre de ta famille qui se passionne pour Jésus, naît de nouveau grâce à l’évangile, et rejoins sa mission. Dans leur zèle, ils abandonnent complètement leurs anciennes natures. Ils s’associent avec joie à l’Église de Dieu. Ils évangélisent sans aucune honte. Ils s’en fichent d’avoir l’air étranges. Mais peu de temps après, petit à petit, tout comme les Israélites dans le désert, ils commencent à vouloir faire machine arrière, comme si l’Égypte leur manquait. Ils se souviennent de leurs anciennes vies, ils veulent à nouveau certaines choses. Et même si, à un moment donné, ça ne les dérangeaient pas d’avoir l’air étrange, maintenant si. Ils se sentent attirés par la normalité qu’ils avaient connu.

Pour que mon argument ait un peu plus de sens à tes yeux, tu ne l’as probablement pas seulement vu, mais aussi vécu. Tout comme moi, tu es sans doute passé par des périodes où tu es devenu un peu (ou beaucoup) moins étrange à ce monde, où tu as échangé ta nature revêtue de Christ pour une nature plus discrète. Tu étais pour un temps un peu étrange (et très heureux comme ça), puis avec le temps, tu es doucement devenu normal.

Plus tu te sens étrange par rapport aux gens autour de toi, plus tu as besoin d’aide pour rester étrange.

Les chrétiens sont, par définition «voyageurs et étrangers » dans ce monde (1 Pierre 2.11) – des étrangers. Mais, nous ne sommes pas toujours à la hauteur de ce nom. Nous, les étrangers, avons besoin d’aide pour rester étrange.

Restez étrange

L’apôtre Pierre était un homme qui connaissait bien l’étrangeté – il connaissait aussi la difficulté de rester ainsi. Alors qu’il interrogeait ses églises bien aimées, et qu’il prenait en compte sa propre âme, il a perçu tout un ensemble de tentations faisant pression aux chrétiens « étranges » pour qu’ils deviennent « normaux » : les désirs charnels de notre chair (1 Pierre 2.11), un monde débordant de débauche (1 Pierre 4.4), un adversaire qui rôde comme un lion rugissant (1 Pierre 5.8).

Parmi ces diverses tentations, Pierre semble avoir été particulièrement sensible à l’influence de notre monde, qui nous invite à être normal. Des amis, voisins, famille, et collègues qui regardent ta vie et qui trouvent étrange ce que tu fais ou ne fais pas, de ce que tu dis ou ne dis pas (1 Pierre 4.4). Comme dit la version Louis Segond, « aussi trouvent-ils étrange », ils pensent que tu es étrange.

Aussi forte que soit notre identité en Christ, Pierre sait que les regards interrogateurs, les conversations embarrassantes, et le conformisme au monde (culture etc…) peuvent faire des ravages. Plus tu te sens étrange par rapport aux gens autour de toi, plus tu as besoin d’aide pour rester étrange. Et pour ça, tu as besoin d’autres étrangers.

Et donc, au milieu de ses appels à « l’étrangeté chrétienne » dans 1 Pierre 4, il décrit le genre de communauté qui garde et cultive cette étrangeté. Certes, Pierre sait que même dans la communauté la plus saine, on ne peut éviter un reniement personnel de la foi. Mais il sait aussi que, si les étrangers ne trouvent pas en l’église une maison, ils finiront tôt ou tard par en trouver une au sein de ce monde. C’est seulement ensemble, que nous pouvons rester étrange.
Ainsi, face aux passions et modèles de notre société athée, Pierre mentionne 4 aspects d’une communauté fidèlement étrange – des églises qui offrent une maison sur le chemin jusqu’au ciel.

1. Une posture étrange

Avant tout, ayez les uns pour les autres un amour constant, car l'amour couvre une multitude de péchés. (1 Pierre 4.8)

Dans ce verset, Pierre liste les types de péchés communautaires que ces chrétiens commettaient avant, et que leurs prochains commettent encore :

la débauche, les passions mauvaises, l’ivrognerie, les orgies, les beuveries et les dérèglements associés aux cultes idolâtres (1 Pierre 4.3)

Sa vision de la communauté chrétienne aux versets 7 à 11, offre une meilleure alternative de société, un endroit où de telles passions ne sont pas seulement abandonnées mais remplacées par Dieu, des modèles glorifiant et honorant les âmes.

Le premier de ces modèles est l’amour sincère, vrai, un amour couvrant le péché. Les communautés pécheresses comme celles au verset 3, connaissent peut-être un genre d’amitié ou de camaraderie, mais elles ne connaissent pas ce type d’amour. Nous ne connaissions nous-mêmes pas ce type d’amour quand nous vivions dans « la méchanceté […] la fraude, l'hypocrisie, l'envie et […] la médisance » (1 Pierre 2.1 ).

A l’époque, nous incitions les autres et nous-même à pêcher. Maintenant, cependant, notre amour couvre tout cela.
« L'amour couvre une multitude de péchés » signifie que, lorsque nous sommes blessés, nous pardonnons, oublions, faisons preuve de miséricorde, refusons de garder rancune.

Un frère te prend de haut ? Tu pries, tu lui pardonnes dans ton cœur, et continues de l’aimer. Une sœur médit sur toi ? Tu lui dis la manière dont tu l’as ressenti, tu la rassures gentiment; et continues de l’aimer. Nous fuyons certains péchés, nous en confrontons d'autres, mais nous les recouvrons tous.

Un tel amour est étrange dans ce monde. Mais à chaque fois que nous le pratiquons, nous nous rappelons, chacun, du Christ qui «est mort une seule fois pour les péchés. Lui, le juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu.» (1 Pierre 3.18) L'amour qui couvre le péché, ne garde non seulement pas nos étranges communautés ensemble. Mais, il garde aussi nos communautés près de Christ, qui par sa proximité, rend douce toute notre étrangeté.

2. Un endroit étrange

Exercez l'hospitalité les uns envers les autres, sans vous plaindre. (1 Pierre 4.9)

L’enseignement que nous donne Pierre de recouvrir les péchés, nécessite que nous nous connaissions assez profondément, au risque même, de nous blesser profondément. Cela implique des relations au-delà de simples connaissances et de communion le dimanche. Les églises saines savent qu’avec Pierre, les rencontres hebdomadaires ne maintiennent pas étranges, les chrétiens.

Par conséquent, à travers la semaine, nous apportons notre étrange posture, dans un endroit étrange : nos maisons.
L’hospitalité (littéralement « l’amour des étrangers »), a peut-être été plus fréquente du temps de Pierre, qu’elle l’est de nos jours (du moins, en Occident). Certes, mais ça n’était pas si commun que ça, puisque Pierre n’a pas ressenti le besoin de l’imposer. Pourtant ça ne devait pas couler de source non plus, puisque qu’il y rajoute « sans vous plaindre ».

En ce temps-là, comme aujourd’hui, l’hospitalité chrétienne venait avec de nombreux coûts et de nombreuses tentations de se plaindre. Si notre amour couvre une multitude de péchés, notre hospitalité couvre une multitude d’inconvénients.

Mais, quand nous ouvrons nos portes à d’autres chrétiens, en particulier ceux qui sont très différents de nous, nous aidons les étrangers à se sentir un peu plus chez eux. Nous nous invitons chacun dans un monde où, pour une après-midi, ou un soir au moins, nous nous sentons accueillis, à l’aise, un étranger au milieu d’autres étrangers - et donc, un étranger au milieu d’amis.

A l’intérieur de la maison, nous avons un aperçu de La Maison, et nous repartons avec un peu plus de courage pour rester étrange.
Si nos églises deviennent comme une maison pour les chrétiens étrangers, alors nous devrons ouvrir nos propres maisons – souvent, et sans nous plaindre.

3. Une pratique étrange

Puisque chacun a reçu un don, mettez-le au service des autres en bons intendants de la grâce si diverse de Dieu. (1 Pierre 4.10)

Quand les lecteurs de Pierre se sont déplacés à  travers le monde, on leur a attribué une certaine place et importance. Leur société portait une grande attention sur le fait que quelqu’un était de bonne famille ou pas, s’il était maître ou serviteur /esclave, homme ou femme, jeune ou vieux – avec différentes valeurs pour chaque statut.

Mais quand les lecteurs de Pierre se sont rendus dans des églises, ces personnes tout à fait différentes se sont retrouvées au même niveau spirituellement parlant. Sans pour autant perdre leurs identités terrestres, (Pierre s’adresse aux serviteurs comme serviteurs, aux femmes comme femmes, aux plus jeunes comme plus jeunes), ils ont gagné une égalité remarquable en Christ. «Chacun a reçu un don », chacun est devenu un bon intendant de « la grâce si diverse de Dieu » et chacun est appelé à le mettre « au service des autres ».

Un non croyant qui observerait une telle église, aurait vu la société sans hiérarchie sociale, la partialité mise de côté, les pauvres servant les riches et les riches servant les pauvres – chacun étant un intendant du Roi. Notre propre, et digne Seigneur, ne se considérait pas comme « trop élevé » pour laver des pieds. Et d’un millier de façons, avec des centaines de dons – l’enseignement, la direction, l’exhortation, la générosité, l’administration – l’Église continue de bouleverser les normes sociales et de laver des pieds surprenants.

De telles communautés ont toujours l’air étrange, même dans des sociétés supposées égales. Qu’importe combien nous valorisons l’égalité, nous avons chacun (à part par pitié) des catégories de personnes que ne nous servirons pas volontiers – ou qui ne nous servirons certainement pas. Mais quand dans l’église, notre service s’étend à tous, et est enrichi de tous, nous incarnons le royaume à venir. Nous reflétons le Roi à venir, et nous apportons « la grâce si diverse » dont nous avons besoin pour rester étrange.

4.ne étrange perspective

La fin de toutes choses est proche… à Dieu appartiennent la gloire et la puissance aux siècles des siècles. (1 Pierre 4.7-11)

L’étrange posture, place et pratique de l’église cultive et garde notre étrangeté chrétienne, sans pour autant exclure la qualité la plus étrange de toutes : notre perspective. Pour cela, Pierre commence et termine ce passage en sautant quelques chapitres, pour nous rappeler la vraie fin de l’histoire. Au final, nous restons étrange en nous rappelant que nous sommes en train de vivre dans cette « fin de toutes choses. »

Christ est venu, Christ est mort, Christ est ressuscité et monté au ciel – donc à présent, tout est accompli, plus aucun évènement majeur ne se tient entre nous et le retour du Christ. « La fin de toutes choses est proche » ; la fin de ce monde est proche. Et donc, la fin de notre étrangeté est proche aussi.

Les chrétiens fidèles ne peuvent s’empêcher de regarder étrangement les incroyants de toutes sortes : les progressistes et les conservateurs, les citadins et les habitants des campagnes, les jeunes et les plus âgés. Pourtant, cela ne veut pas dire que nous sommes fondamentalement étranges, en tout cas, pas du point de vue de l’Éternité.

Non, depuis cette perspective qui durera jusqu’ «aux siècles des siècles », la chose la plus étrange de toutes dans ce monde pêcheur, est cette époque qui rejette Dieu. Cela n’était pas le cas dans le passé d’éternité, ce n’est pas le cas en ce moment même dans les cieux, et ce ne sera plus le cas bientôt, partout.
« A Dieu appartiennent la gloire et la puissance» - et à lui, elles appartiendront toujours.

Plus nous gardons cette pensée d’éternité, plus ce monde qui peut paraître tellement normal, commencera à nous sembler inconnu, furtif, brisé, étrange. Alors, ensemble, nous prions pour que le règne de Dieu vienne. Nous prêchons et parlons du retour de Christ. Et nous nous rappelons mutuellement que ce monde n’est pas le nôtre. Aussi étrange que nous paraissons sur terre, nous ne nous sommes pas considérés comme étranges par Dieu, ni par les anges, et non plus par les nuées de témoins partis avant nous.

Restez étrange, pour encore un peu de temps, puisque nous arrivons bientôt à la maison !

Article traduit avec autorisation, merci Jade!
Publié dans la version originale le 22 septembre 2024, par Scott Hubbard
https://www.desiringgod.org/articles/stay-strange

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